dimanche 9 décembre 2012

Toujours plus vite


C'est désormais une banalité, le monde qui nous entoure va de plus en plus vite. Valeur moderne, signe d'efficacité, la vitesse est devenu la règle et nous permet de faire de plus en plus de chose en y consacrant de moins en moins de temps. Aller plus loin, communiquer plus vite, produire davantage, prendre plus de décisions plus rapidement ; faut il y voir un progrès inéluctable ou au contraire une dangereuse tendance qui nous entraîne vers plus de stress, de prise de risque et d'erreurs.



Le pouvoir de la vitesse 


Depuis que l'homme a dominé la terre, aller plus vite a été source de pouvoir. Pouvoir militaire d'abord quand les armées les plus mobiles dominaient leurs adversaires. La rapidité de déplacement de la légion romaine, inégalée jusqu'à la révolution française, lui permettait de réunir deux fois plus de troupes que l'ennemi à un endroit donné avant qu'il puisse réagir.  La vitesse a plus tard pris une importance cruciale dans un tout autre type de guerre, celle que se livre le monde de la finance et ce dès les prémices du capitalisme.

En témoigne le coup de bourse de Nathan Rothschild, le 20 juin 1815. Deux jours seulement après la défaite de Napoléon à la bataille de Waterloo, et alors que la nouvelle n'est pas encore parvenue dans les capitales européennes, il se rend à la Bourse de Londres et met en vente tous ses titres. Connu pour avoir organisé un réseau d’espionnage et de courrier très efficace, tous pensent que Napoléon est sorti victorieux et la panique gagne les investisseurs. Les actions s'effondrent immédiatement, Rothschild n'a qu'à attendre la dernière minute et les racheter pour une bouchée de pain, accroître la fortune familiale déjà considérable et prendre ainsi, de fait, le contrôle de l'économie anglaise ! Coup de maître, avantage au plus rapide. 


L'accélération

Depuis cette époque le temps n'a de cesse de se compresser, en l'espace d'une génération le phénomène s'est encore accéléré d'une manière phénoménale. S'il fallait en 1790 une demi journée pour faire 50km à cheval (c'est cette échelle de temps qui a guidé la création des départements en France), on parcours aujourd'hui dans ce même temps plus de 800km en TGV.
Une lettre traversait la France en 2 jours en 1946 quand apparut le telex. Moyen de communication alors le plus fiable et le plus rapide, le telex reste longtemps une machine volumineuse et lourde d'utilisation qui limite son usage à la transmission de messages urgents. Dans les années 1990 le fax va lui connaître un essor très rapide et envahir le monde professionnel avant d'être supplanté par le mail que nous connaissons aujourd'hui.


Le corollaire de cette vitesse de transmission de plus en plus brève est le degré d'urgence accordé au traitement de l'information. Si le telex n'était dans un premier temps utilisé que pour les urgences, le mail est aujourd'hui devenu la règle et pourtant la perception qui demeure est celle du traitement urgent, immédiat. Pas moins de 75% des destinataires de mail disent interrompre leur travail pour lire un message qui vient d'arriver, soit une interruption toutes les 12 minutes en moyenne ! [1] 
La vitesse de distribution augmente de manière vertigineuse, pour autant la vitesse de production, elle, ne suit pas la même évolution, notre cerveau n'est pas (encore) en mesure de déclencher par la pensée.  Ce décalage entre les vitesse de transmission, de compréhension, d'analyse du message reçu, de production de la réponse, ne risque t'il pas d'amener son lot de mauvaise habitudes et de provoquer des erreurs ?


Pourquoi si vite ?

Notre perception de la durée se forge pendant notre enfance. Bien avant d'avoir une montre ou un chronomètre,  l’enfant développe des intuitions liées au temps. Cette intuition est basée sur la frustration, le temps pour un enfant n'est rien d'autre que l'intervalle qui contrarie l'accomplissement de ses désirs, qui retarde le plaisir de l'instant présent ; auquel se mêle la volontée de satisfaire aux exigences maternelles. 
On peut donc supposer que le rapport au temps, forgé depuis notre plus jeune age, nous conduit à vouloir réduire la durée de ces intervalles, tant pour notre satisfaction personnelle que pour répondre aux attentes de l'autorité, et que notre penchant spontané à vouloir aller toujours plus vite y trouve son origine. Car si la vitesse provoque toujours plus de stress, elle est également source de plaisir et d'accomplissement pour les cadres qui se réalisent en satisfaisant toujours plus vite le supérieur hiérarchique.  Faire davantage, plus vite, nous procure un sentiment d'efficacité accrue, de performance, d'invulnérabilité, proche du plaisir narcissique.


Plus vite, trop vite ?

Il n'y a pas que sur la route que la vitesse est cause de danger. L'augmentation du volume d'information et la vitesse avec laquelle on s'échine à vouloir les traiter peuvent non seulement provoquer du stress mais aussi des erreurs. 
On se souvient du 6 mai 2010 qui a vu la bourse de New York engloutir près de 1000 milliards de pertes, pour être allée... trop vite! En cause un courtier qui met en vente des contrats à terme, opération anodine mais exécutée en un temps record de 20 minutes (la fois précédente ce même courtier avait mis près de 5 heures pour une opération similaire). Il est 14h32, la panique gagne immédiatement les traders, certains imaginent avoir raté une information cataclysmique, d'autres tout simplement que les chiffres sont faux ; et les ordinateurs ultra puissants de déclencher des ordres de bourse automatiques qui ont un effet boule de neige ultra rapide. A 14h44 l'action Apple dévisse et perd 23 dollars en deux minutes, en quelques dizaines de minutes le dow jones perd 10%. [2]
On voit comment la vitesse a été ici le principal élément déclencheur de la crise, face à une situation inexpliquée, les hommes et les machines ont déclenchés des réactions précipitées, incontrôlées et dénuées de tout sens critique. 
La démonstration que le coût d'une erreur d'interprétation peut être aussi lourd de conséquence que celui d'un retard.

Les astuces les plus connues 

(pour aller plus vite encore, ou simplement être plus efficace)


Envoyer un e-mail : 
  • tout le monde dans le même panier ? ne pas confondre le(s) destinataires(s) pour action et pour information aidera vos interlocuteurs à prioriser la lecture de votre mail.
  • commencer par la conclusion : surtout si vous n'arrivez pas à être concis, cela évitera à vos lecteurs de perdre leur temps. Par exemple : dites que le problème est résolu avant d'expliquer sa cause et sa solution, votre patron vous en sera reconnaissant.
  • politesse ou spam ? quand vous demandez quelque chose et que vous recevez une réponse est il vraiment indispensable de répondre à nouveau pour dire merci ?
Traiter ses e-mails :
  • la règle des 2 minutes : si ça me prends moins de deux minutes je le fait de suite, sinon je le planifie.
Classer hiérarchiser l'information :
  • la règle des 30 secondes : à réception d'un mail, si celui ci doit être conservé le classer vous prendra 30 secondes, après il sera sans doute trop tard. 





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